Joëlle Guigui en Solo

En 1987, la comédienne enregistre Solo, un titre écrit par Francis Livon et
composé par François Bréant. Accompagné d'un clip étrange, singulier, la chanson
raisonne comme l'écho d'un futur album aux maquettes déjà élaborées mais qui ne
trouvera jamais sa destination vers les bacs. Manque de temps, d'argent ?
Absence de producteur ? Intransigeance de l'interprète principale ? Mystère.
Découvrir la chanson en même temps que son clip est une expérience
pour le moins... troublante. On y voit, surgissant des ténèbres d'un pas
hésitant, un homme de dos se diriger vers une éblouissante lueur immaculée, au
son d'un orchestre dont les musiciens font leurs gammes.
Hmm... Rondo Veneziano ? Certes non ! Les premières notes de la mélodie entêtante se font
entendre et pour le spectateur débute un voyage unique dans un monde où bien des
codes vont être chamboulés.
Les visions s'enchaînent. Il y a ce jeune homme (le regretté Éric Etcheverry) un peu perdu au milieu d'une scène d'un concert au public absent et plongée dans des ténèbres
percées çà et là par une bien énigmatique lueur jaune-orangée. Également ces
musiciens (dont Thierry Anmuth) aux mimiques inusitées, en tout cas peu
orthodoxes, guère en rapport avec leur art. Et soudain, cette comtesse gothique
à la peau diaphane (Joëlle soi-même) qui surgit de l'obscurité avec le
détachement calme et assuré d'une égérie vampire ayant sa proie toute désignée
dans le collimateur.
Notre Circé moderne entame alors une ronde de autour de
l'orchestre aux membres mi-séduits mi-effrayés, sans doute déjà condamnés à
jouer pour l'éternité devant leur funeste hôtesse, au milieu de quelque palais
perdu... Nous sommes devant une œuvre à l'identité forte, visuelle, pas un banal
outil de marketing pour faire vendre la dernière starlette-kleenex du
moment.
Joëlle Guigui commence à chanter et le miracle se déroule : comme un
triangle aux proportions idéales, la mélodie, l'image et les mots encerclent le
spectateur, le plongeant dans une interrogation aussi délicieuse que les joies
que la princesse nous suggère. Ambivalence d'un clip aux accents gothiques, mais
nanti d'un texte à double sens sur l'onanisme et l'orgasme inévitable qui en
découle. Paradoxe d'une chanson sur l'onanisme, mais avec la virtuosité vocale
de Joëlle capable de simuler un plaisir sensuel allant crescendo sans recourir
aux archaïques techniques habituelles que l'on entend partout. Car le plaisir
est ici et avant tout affaire de... respiration. Ce que, après tout, il ne
devrait jamais cesser d'être. Et si c'est une chanson sur le plaisir charnel,
remercions Éric Pivert (le réalisateur du métrage) de ne pas avoir parsemé le clip d'artifices
médiocres, tenue déshabillée, hommes concupiscents, consentement sous-entendu de
la femme offerte.
Des questions, nulle réponse. Ou plutôt si, une : voici avant tout une œuvre à la sensibilité féminine.
La ronde nocturne de notre comtesse diaphane s'achèvera, sereinement, après que sa voix ait survolé des
sommets que peu de chanteuses peuvent prétendre atteindre. Les musiciens ont
également participé à la lente valse des âmes perdues avec leur Reine. Et la
jeune proie du début ? A-t-elle été épargnée ? Peut-être. Peu probable.
Ce joyau noir d'une beauté formelle absolue sera patiemment ciselé par Éric, Joëlle
et Gilles Bour dans les studios de la RTBF à Bruxelles, et même si quelques
belles séquences de balançoire dans les cintres du studio ont dû être écartées,
le résultat vit et parle de lui-même : avec cent fois moins de moyens que les
courts-métrages de Laurent Boutonnat pour la passionaria pseudo-gothique de
l'époque, Mylène Farmer, Solo réussit le tour de force prodigieux de n'avoir
finalement pas vieilli vingt-cinq ans après, à l'heure où ces lignes sont
écrites.
Vingt-cinq ans... C'est loin. Les apparitions de Joëlle à l'écran
finiront par se faire rares; sa voix céleste, par contre, ne sera pas vouée à
s'éteindre. En 1989, coiffant au poteau soixante-dix postulants, Joëlle décroche
le job d'interpréter la gouaille tonique d'un des membres de la sémillante
famille de Springfield, le petit garçon survolté Bart Simpson.
Mais ceci est une autre histoire.
composé par François Bréant. Accompagné d'un clip étrange, singulier, la chanson
raisonne comme l'écho d'un futur album aux maquettes déjà élaborées mais qui ne
trouvera jamais sa destination vers les bacs. Manque de temps, d'argent ?
Absence de producteur ? Intransigeance de l'interprète principale ? Mystère.
Découvrir la chanson en même temps que son clip est une expérience
pour le moins... troublante. On y voit, surgissant des ténèbres d'un pas
hésitant, un homme de dos se diriger vers une éblouissante lueur immaculée, au
son d'un orchestre dont les musiciens font leurs gammes.
Hmm... Rondo Veneziano ? Certes non ! Les premières notes de la mélodie entêtante se font
entendre et pour le spectateur débute un voyage unique dans un monde où bien des
codes vont être chamboulés.
Les visions s'enchaînent. Il y a ce jeune homme (le regretté Éric Etcheverry) un peu perdu au milieu d'une scène d'un concert au public absent et plongée dans des ténèbres
percées çà et là par une bien énigmatique lueur jaune-orangée. Également ces
musiciens (dont Thierry Anmuth) aux mimiques inusitées, en tout cas peu
orthodoxes, guère en rapport avec leur art. Et soudain, cette comtesse gothique
à la peau diaphane (Joëlle soi-même) qui surgit de l'obscurité avec le
détachement calme et assuré d'une égérie vampire ayant sa proie toute désignée
dans le collimateur.
Notre Circé moderne entame alors une ronde de autour de
l'orchestre aux membres mi-séduits mi-effrayés, sans doute déjà condamnés à
jouer pour l'éternité devant leur funeste hôtesse, au milieu de quelque palais
perdu... Nous sommes devant une œuvre à l'identité forte, visuelle, pas un banal
outil de marketing pour faire vendre la dernière starlette-kleenex du
moment.
Joëlle Guigui commence à chanter et le miracle se déroule : comme un
triangle aux proportions idéales, la mélodie, l'image et les mots encerclent le
spectateur, le plongeant dans une interrogation aussi délicieuse que les joies
que la princesse nous suggère. Ambivalence d'un clip aux accents gothiques, mais
nanti d'un texte à double sens sur l'onanisme et l'orgasme inévitable qui en
découle. Paradoxe d'une chanson sur l'onanisme, mais avec la virtuosité vocale
de Joëlle capable de simuler un plaisir sensuel allant crescendo sans recourir
aux archaïques techniques habituelles que l'on entend partout. Car le plaisir
est ici et avant tout affaire de... respiration. Ce que, après tout, il ne
devrait jamais cesser d'être. Et si c'est une chanson sur le plaisir charnel,
remercions Éric Pivert (le réalisateur du métrage) de ne pas avoir parsemé le clip d'artifices
médiocres, tenue déshabillée, hommes concupiscents, consentement sous-entendu de
la femme offerte.
Des questions, nulle réponse. Ou plutôt si, une : voici avant tout une œuvre à la sensibilité féminine.
La ronde nocturne de notre comtesse diaphane s'achèvera, sereinement, après que sa voix ait survolé des
sommets que peu de chanteuses peuvent prétendre atteindre. Les musiciens ont
également participé à la lente valse des âmes perdues avec leur Reine. Et la
jeune proie du début ? A-t-elle été épargnée ? Peut-être. Peu probable.
Ce joyau noir d'une beauté formelle absolue sera patiemment ciselé par Éric, Joëlle
et Gilles Bour dans les studios de la RTBF à Bruxelles, et même si quelques
belles séquences de balançoire dans les cintres du studio ont dû être écartées,
le résultat vit et parle de lui-même : avec cent fois moins de moyens que les
courts-métrages de Laurent Boutonnat pour la passionaria pseudo-gothique de
l'époque, Mylène Farmer, Solo réussit le tour de force prodigieux de n'avoir
finalement pas vieilli vingt-cinq ans après, à l'heure où ces lignes sont
écrites.
Vingt-cinq ans... C'est loin. Les apparitions de Joëlle à l'écran
finiront par se faire rares; sa voix céleste, par contre, ne sera pas vouée à
s'éteindre. En 1989, coiffant au poteau soixante-dix postulants, Joëlle décroche
le job d'interpréter la gouaille tonique d'un des membres de la sémillante
famille de Springfield, le petit garçon survolté Bart Simpson.
Mais ceci est une autre histoire.